"Notre vision ? L'électrification complète des processus de fabrication"

Selon Maurizio Tarozzi, Chief Product Officer de B&R, "ceux qui continuent de se tourner vers des systèmes pneumatiques manquent une belle opportunité d'économiser de l'énergie". Dans cette interview, le CPO de B&R nous parle également de l'impact du logiciel de contrôle, des standards de communication et des nouveaux systèmes mécatroniques sur l'efficacité énergétique de la production.

En quoi les technologies d'automatisation peuvent-elles jouer un rôle dans la réduction de la consommation d'énergie des machines ?

Je dirais que deux aspects doivent être pris en considération : les composants d'automatisation eux-mêmes et les processus de fabrication. Pour rendre la fabrication du produit final la plus soutenable possible, il faut d'abord bien dimensionner le matériel et donc avoir une bonne compréhension du processus de fabrication.

Un de nos clients qui fabrique des bouteilles recyclables en plastique illustre parfaitement cela. En associant sa connaissance du procédé de fabrication avec la précision de notre système de contrôle, il a pu réduire l'épaisseur de la paroi des bouteilles et économiser ainsi de grandes quantités de matières.

Les technologies d'automatisation permettent aussi des économies d'énergie à un autre niveau. Nombre de fabricants relocalisent la production pour se rapprocher de leurs marchés et réduire leurs coûts de transport. Le développement actuel des technologies d'automatisation permet ces relocalisations, réduisant ainsi l'empreinte carbone.

Est-ce que B&R est engagé dans des développements concrets qui permettront de réduire la consommation d'énergie des machines ?

Oui. Les actionneurs pneumatiques sont un des plus gros postes de consommation d'énergie dans bon nombre de machines. Leur lenteur en fait un goulot qui limite les cadences des machines. Notre vision est donc celle d'une électrification complète des processus de fabrication. Nous travaillons actuellement sur des solutions qui aideront nos clients à remplacer leurs systèmes pneumatiques. De notre point de vue, le non-remplacement des systèmes pneumatiques prive les utilisateurs d'un moyen d'économiser de l'énergie.

Pour B&R, quels ont été les effets de la hausse des prix de l'énergie sur la demande ?

Nos clients regardent de plus près le coût total d'exploitation de leurs machines. Ils cherchent à économiser de l'énergie avec nos solutions d'automatisation et à accroître la soutenabilité de la production. Ceci nous conduit à améliorer nos produits en permanence et à les faire certifier. Avec le China Energy Label, nous sommes des précurseurs de l'efficacité énergétique dans le domaine du contrôle de mouvements. Nous prévoyons aussi d'obtenir d'autres certifications dans un futur proche.

Les technologies d'automatisation commencent, elles aussi, à vieillir. Comment être sûr que les produits utilisés ne sont plus les plus efficaces sur un plan énergétique ?

Cela se calcule facilement. Si l'efficacité des moteurs électriques d'aujourd'hui est comparée à celle de ceux fabriqués il y a 20 ans, la perte d'énergie résultant de l'utilisation de vieux moteurs est vite évaluée. Néanmoins, au-delà de la technologie utilisée, ce sont aussi les processus de fabrication qui prennent de l'âge. Sur ce plan, le potentiel de réduction de rebut et donc d'économies d'energie est très important. Prenons le cas d'un produit dont la qualité n'est pas satisfaisante et qui finit donc au rebut. L'énergie est ici consommée pour la fabrication d'un produit qui ne sera jamais vendu. Prendre en considération la technologie utilisée au niveau des composants n'est donc pas suffisant. Pour réduire la consommation d'énergie, il faut prendre du recul et porter un regard critique sur les processus existants.

Parlons un peu plus du rebut : comment peut-on le réduire durablement ?

La meilleure solution réside dans le concept de fabrication adaptative. Je prends un exemple : avec un système mécanique rigide, un seul et unique défaut entraîne la mise au rebut de tout un lot de production, donc de 50 ou 100 produits, voire plus. Cette perte peut être évitée si chaque unité de produit est mise en mouvement et contrôlée individuellement au cours du processus de fabrication, comme c'est le cas avec nos systèmes de transport mécatronique ACOPOStrak, SuperTrak ou ACOPOS 6D. Si un problème de qualité affecte un article, la navette concernée peut être retirée du processus de production, et non l'ensemble du lot. Les économies de matières et d'énergie que cela engendre sont énormes.

Un de vos clients a réalisé une machine de poinçonnage à matrices qui consomme jusqu'à huit fois moins d'énergie que ses concurrentes. Dans quelle mesure l'entreprise B&R aide-t-elle ses clients à faire de tels bonds de performance ?

Ce qui nous distingue sur le marché est la manière dont nous apportons notre expertise et appréhendons le développement collaboratif. Quand un client nous demande de codévelopper une machine en partant de zéro, nous engageons un processus de cocréation. Nous examinons les apports possibles de la technologie ainsi que les besoins du client, puis nous créons avec lui une nouvelle machine. Cette phase de cocréation comprend souvent la réalisation de tests et de preuves de concept dans nos labs internationaux ainsi que l'utilisation de la simulation avec un jumeau numérique. Ceci permet de vérifier la faisabilité et l'efficacité des processus avant même de commencer à fabriquer la machine.

Un de ces labs est l'Automation Lab qui se trouve à Frauenfeld en Suisse. Pouvez-vous nous en parler ?

Le site de Frauenfeld est très important pour nos activités de recherche et développement à l'échelle mondiale. À l'Automation Lab, nos spécialistes travaillent en étroite collaboration avec nos clients, qu'il s'agisse de certification, de tests ou de codéveloppement. C'est aussi là que nous collaborons avec l'université ETH de Zürich et que nous créons des ponts entre recherche universitaire, développement produit, et applications client. Ce type de collaboration est le meilleur moyen d'assurer qu'une technologie de pointe débouche sur des bénéfices concrets.

L'interaction optimisée des différents composants d'automatisation est une caractéristique distinctive des systèmes B&R. Est-ce que cet aspect peut améliorer l'efficacité énergétique des machines ?

C'est une question qui retient toute notre attention. Aujourd'hui, la fabrication est souvent vue comme une combinaison de différentes machines, d'équipements et de stations qui interagissent d'une manière ou d'une autre. Chaque machine, chaque équipement, chaque station est basé sur des technologies matérielles, logicielles et de communication différentes. Mettre en commun toutes ces choses demande beaucoup de travail. Selon la complexité du projet, cela peut prendre des années. Disposer d'un logiciel qui sait gérer et orchestrer tous les processus permet de franchir un cap en terme d'efficacité énergétique, de productivité et de flexibilité. À condition aussi que ce logiciel soit basé sur du matériel standard avec des interfaces ouvertes. La communication, la programmation et la simulation doivent en effet reposer sur des standards ouverts pour fournir des informations exhaustives sur l'empreinte carbone et la consommation d'énergie de chaque produit tout au long du processus de fabrication. Chez B&R, nous nous appuyons sur des standards ouverts comme OPC UA et OPC UA FX pour que les machines communiquent entre elles ou avec le cloud en parlant la même langue. Et nous fournissons, avec notre expertise et nos jumeaux numériques, des logiciels "orchestrateurs" basés sur des standards ouverts pour accroître l'efficacité des machines en termes d'énergie, de processus et de productivité.

Quelles sont les difficultés à surmonter dans ce type d'approche ?

Un des plus grands défis est la création de ces standards ouverts pour la programmation, la communication, la connectivité et la cybersécurité. Beaucoup de choses se passent à ce niveau, et B&R joue un rôle actif au sein des groupes de standardisation. Un autre défi consiste à transposer les standards récents de l'IT dans le monde de l'OT afin de satisfaire les besoins de cybersécurité. Le fonctionnement des systèmes cloud et, plus généralement, des serveurs informatiques ne repose pas directement sur notre technologie. Pour répondre aux besoins de connectivité avec ces systèmes, il faut donc appliquer des normes internationales ainsi que les règles de cybersécurité les plus strictes.

La production de petites séries implique l'utilisation de machines modulaires. Or ces machines ne peuvent pas être exploitées avec un taux de charge optimal. Comment permettre une utilisation efficace des machines, notamment sur un plan énergétique ?

Une partie de la réponse réside dans l'utilisation d'un logiciel de contrôle de mouvements qui soit suffisamment intelligent pour adapter les paramètres de contrôle à la volée en fonction de la charge. L'efficacité énergétique est ainsi améliorée, de même que la qualité. Cela se conçoit facilement : quand on veut fabriquer une grande variété de produits, il est toujours difficile d'avoir des paramètres stables en toute circonstance. Et si on n'ajuste pas ces paramètres de manière proactive, on n'obtient pas la qualité attendue et on génère un rebut important. Quand il s'agit de petites séries, l'efficacité énergétique, la qualité et la productivité dépendent de la capacité des machines à s'adapter à chaque série. Si on combine la robotique, la vision industrielle et la simulation autour d'un convoyeur intelligent qui contrôle chaque unité de produit individuellement, la machine peut passer d'un produit à l'autre à la volée. On économise ainsi l'énergie qui serait sinon consommée au démarrage de chaque nouvelle série. De plus, on utilise alors une surface nettement plus petite et on ne perd pas d'énergie dans des phases de convoyage à vide ou de manipulation. À cela s'ajoute également la réduction du taux de rebut grâce à l'identification et à la suppression précoces des défauts dans le processus de fabrication.

Quels conseils donneriez-vous aux fabricants de machines qui se penchent sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ?

Je les inciterais à en parler à des experts pour bien évaluer le type d'actions à mener. Il existe des groupements internationaux dont l'action vise justement à réduire les consommations d'énergie et qui connaissent les normes et réglementations applicables ainsi que les technologies disponibles. Ceci dit, le plus simple et le plus efficace est probablement d'en parler à ses fournisseurs. Les fournisseurs sont toujours les mieux informés en ce qui concerne leur technologie et la manière de l'utiliser pour répondre aux besoins des clients. Chez B&R, nous avons cette expertise et nous apprécions vraiment que les fabricants de machines nous confrontent à des défis.

Avez-vous encore quelque chose à ajouter ?

Je pense que nous sommes au début d'une révolution. L'industrie parle d'efficacité énergétique depuis des années, mais ce sujet ne suscite pas encore toute l'attention qu'il mérite. Néanmoins, la nécessité d'une industrie plus soutenable est désormais inscrite dans la stratégie des entreprises. Les gens se rendent compte des défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Ceci exerce une pression sur tous les maillons de la chaine de valeur. Nous sommes au début de développements passionnants. Chez B&R, nous sommes pleinement engagés dans cette transition vers une industrie durable.

Maurizio Tarozzi

Chief Product Officer, B&R


"L'industrie parle d'efficacité énergétique depuis des années, mais ce sujet ne suscite pas encore toute l'attention qu'il mérite. Néanmoins, la nécessité d'une industrie plus soutenable est désormais inscrite dans la stratégie des entreprises."
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